Le Consentement : mobilité et fin de vie « La vieillesse est un bateau qui prend l’eau… à une vitesse différente »

Les choses évoluent au sein de notre asbl Âgo et il est loin le temps où les attentes des seniors étaient uniquement le plaisir de partager un morceau de tarte et une tasse de café en bonne compagnie.

Vous êtes nombreux à manifester de l’intérêt et à participer aux animations sur l’environnement, les technologies, la santé dans nos belles provinces du Brabant-Wallon, Bruxelles, Hainaut, Liège, Luxembourg.

Depuis cet été, nous avons initié de nouvelles façons de travailler et nous nous centrons davantage sur la dimension d’éducation permanente de nos projets.

Vous vous demandez ce qui se cache sous ce terme poétique d’éducation permanente…. Rassurez-vous, vous n’en entendrez pas souvent parler, mais Âgo propose déjà des activités où nous adoptons cette démarche qui vise à questionner, de manière participative, des sujets de société et à agir en tant que citoyens pour produire du changement là où c’est nécessaire, pour le bien-être de toutes et de tous.

Plutôt que d’entrer dans les détails de ce concept, nous allons vous raconter comment il a été appliqué à travers le projet pilote qui a eu lieu à Wavre en octobre et novembre derniers sur le thème « vieillissement et consentement ».

Suite à nos observations sur les besoins et les interrogations des seniors à propos du consentement, nous avons proposé à un groupe des seniors de Wavre de participer à deux tables de réflexion dans lesquelles la question du consentement serait abordée sous l’angle de la mobilité et de la fin de vie. L’objectif du projet était de prendre collectivement conscience des enjeux du consentement, et de questionner l’âgisme et les stéréotypes liés à l’âge qui conditionnent certains choix.

S’ils ne savaient pas vraiment à quoi s’attendre, les participants de Wavre étaient prêts à venir partager leurs expériences et leurs réflexions. Après un tour de présentations, nous avons validé ensemble une charte de réunion reprenant des éléments de respect, de bienveillance, d’écoute et de non jugement, ce qui a contribué à instaurer un climat d’ouverture et de confiance propice à la participation, ainsi qu’à favoriser la dimension collective des échanges. On s’écoute, on réagit à ce que d’autres disent, on questionne et on se questionne sans jugement.

Partir du vécu pour mieux cerner la notion de consentement

Pour prendre conscience de la signification de certains concepts au-delà de leurs définitions formelles et/ou éventuellement juridiques, il est important de les ramener à nos expériences individuelles et collectives de vie. Nous sommes ainsi partis, dans un premier temps, de l’expérience des seniors en matière de mobilité pour commencer à construire ensemble une compréhension de la notion de consentement. Dans un deuxième temps, nous leur avons demandé de partager leurs regards sur le consentement dans le cadre d’une réflexion sur la fin de vie.

Consentement et mobilité

En partant de leurs expériences personnelles, les seniors ont affirmé deux aspects essentiels de la conduite automobile : la dimension hautement symbolique de la voiture associée à l’autonomie et à l’indépendance (« Ma voiture, ma liberté ! ») ; et son caractère utilitaire lié aux aspects quotidiens et pratiques de la vie de tous les jours (faire ses courses, maintenir les liens familiaux, s’investir dans des activités…).

Or, pour un certain nombre de seniors le vieillissement est associé à une perte d’autonomie et de liberté. Pour eux l’âge suppose une diminution progressive des facultés. Pour d’autres, l’âge n’est pas en soi un facteur d’incapacité à conduire. Ce qui est important, c’est d’être conscient de ses propres limites, sans nécessairement renoncer à la voiture. Ainsi, certains adapteront leurs déplacements pour éviter des situations stressantes, ou passeront à un véhicule automatique pour simplifier leur conduite.

Le processus de réflexion collective qui s’est opéré, nous a permis de comprendre que cette responsabilisation individuelle de la part des seniors présents et les aménagements pris en conséquence ne se font pas à l’abri de tout regard social, qu’il soit extérieur ou intériorisé par les seniors eux-mêmes : les préjugés et les stéréotypes sur l’âge imposent à certains de renoncer à la conduite automobile. Or, durant l’échange, certains seniors ont rappelé que l’on peut être incapable de conduire à tout âge, tout comme on peut être parfaitement capable de conduire en étant très âgé.

Consentir à renoncer, accepter ses propres limites et s’arranger avec son entourage est dès lors vécu différemment par les uns et les autres. Tous ont cependant affirmé que consentir (à renoncer) suppose le dialogue, d’être informé à l’avance, d’avoir des alternatives, de recevoir des explications claires et d’être attentifs aux préjugés fondés sur l’âge (Voir l’analyse p. 13).

C’est sur ces prémices que nous avons abordé la question du consentement et de la fin de vie.

Consentement et fin de vie 

La question des choix en matière de fin de vie que se pose un jour ou l’autre tout un chacun, sans exception, est souvent tabou au sein des familles. On n’en parle pas ou peu. Pourtant, la fin de vie a fait l’objet de nombreuses discussion éthiques, philosophiques et de décisions législatives en Belgique et ailleurs. Elle touche au droit des personnes. Sensible à cette réalité, Âgo a organisé, en collaboration avec la juriste Johanne Tilman de l’asbl EclairÂges, une conférence-débat sur les déclarations anticipées qui fut très bien accueillie par les seniors présents. Elle a été suivie d’une rencontre participative sur le consentement et la fin de vie.

A nouveau, en partant de ses propres expériences personnelles, chaque participant a pu exprimer ce qui pour elle ou lui était une fin de vie souhaitée. La notion de dignité, d’autonomie et d’indépendance, tout comme les réflexions sur l’euthanasie, ont été centrales dans les interventions. Nous les avons approfondies par des temps de réflexion et des tours de parole.

« Être digne c’est ne pas devenir une plante »

Pour les participants l’autonomie et l’indépendance sont associées au maintien des capacités physiques et intellectuelles (voir l’interview de Caroline Guffens p.11). La crainte de la démence et de la perte d’indépendance est perçue comme une perte d’humanité et donc, une perte de dignité. Le rapport à cette dernière vient, selon eux, du regard des autres et du regard que l’on porte sur soi à travers celui des autres.

L’euthanasie offre, pour beaucoup de participants, l’assurance de pouvoir mourir dans la dignité. Mais se pose dès lors la question des situations de démence, où la capacité à faire valoir un choix conscient et éclairé – à consentir donc – pourrait être mise à mal. Comme l’exprimait une participante, « Quand je serai dépendante, je n’aurai pas droit à l’euthanasie. Je me suicide, alors ? … » (voir l’article « Le droit de choisir sa fin de vie »  p. 12).

« Faire entendre sa voix… »

Les participants ont, dans leur grande majorité, indiqué qu’ils accordaient de l’importance à anticiper leur fin de vie. Pour garantir le respect de leurs volontés, il est nécessaire de les faire connaître à son entourage : enfants, famille, amis ou médecin, via le dialogue et, aussi, en les consignant par écrit (déclarations anticipées). Certains ont déjà pris des mesures et les ont partagées avec le groupe ; d’autres s’informent en vue de se préparer : « Il faut faire le pas. Prendre son courage à deux mains, remplir les papiers et puis les ranger dans un tiroir . », « On ne se sent pas en mauvaise santé ; on ne se rend pas compte. Mais ça peut aller vite. »

« On aura tout fait pour »

Comme l’ont exprimé certains participants, il reste une incertitude que l’anticipation ne permettra jamais de faire disparaître, seulement de la réduire : incertitude à propos de la prise de décision au moment où elle a lieu d’être prise : « Tout va bien pour l’instant. Le problème, c’est de savoir le moment idéal quand il faudra se faire aider. C’est l’inconnu. Il ne faut ni s’y prendre trop tard ni trop tôt » ; incertitude quant au respect de la décision dans le futur : « Ils respecteront, je l’espère, ce que j’ai demandé. »

 «Mes enfants ne veulent pas que j’en parle » 

Se faire entendre, faire respecter ses choix pour la fin de vie et exercer son droit à accéder à l’euthanasie ou à choisir le moment d’aller en maison de repos par exemple, est possible lorsqu’on est lucide. Les états de démence, l’évitement du sujet au sein des familles, le déni de son propre état… sont des facteurs perçus par les participants comme des entraves à la possibilité de se faire entendre jusqu’au bout de sa vie.

Or, pour les seniors, avoir des personnes réceptives autour de soi ouvertes au dialogue aiderait énormément à préparer sa fin de vie dans les conditions choisies librement et de manière informée. Il est important d’anticiper ses réflexions sur la fin de vie, mais il est indispensable d’y revenir de temps en temps car notre façon de penser peut évoluer avec le temps.

Pour conclure

La richesse des interactions au sein du groupe a permis de :

co-construire un début de compréhension de ce que signifie le consentement du point de vue des participants et en partant de leur vécu ;

amorcer un début de prise de conscience des liens entre âge/âgisme, autonomie et droit à être consulté/informé ;

s’approprier la notion de consentement et de la faire valoir et évoluer dans sa propre vie.

Grâce à l’apport de chacun et chacune dans les réflexions, tout le monde est reparti un peu plus riche de savoirs pour être acteur principal de sa vie !